GameGirl
Poptronics
séries photographiques low tech
2023
Le Cas de l'hippocampe
Biennale musicale d Venise
Installation de Réalité Virtuelle
2022
De l'une à l'autre
INRIA
Grenoble
Performance de Réalité Virtuelle
2021
PlayCasts du petit bréviaire
IRCAM
Jean-François Peyret
2020
Zapping Zone - Chris Marker
Centre Pompidou/Nouveaux Médias
Restauration retrocomputing
2019-2023
Atelier Ordinatrice
Centre d'Art BO à Billère/Festival accè)s(
Atelier
2020-2021
Petite Bibliothèque Idéale
pour une informatique (libre et poétique)
Résidence écriture Région Ile de France
Ressourcerie Malakoff & DECALAB
Rmn-Grand Palais/Rencontres Fortuites
Performances littéraire & éditions
2020-2021
Les Cyborgiennes
Centre Wallonie Bruxelles
Centre Pompidou/Festival Hors Pistes
Installation littéraire IA
avec Laura Mannelli
2019-2020
Liaisons sous-marines
Résidence de création Orange-Marine
Centre Pompidou/Festival Hors Pistes
CNAP
Restitution, ateliers, exposition
2016-2020
Flâneuse Digitale
Résidence de création
Abbaye de Sorde
Restitution, exposition
2016-2017
à quoi tu joues ?
Installation
La Galeru Fontenay-sous-Bois
2016
Vu du Ciel
Centre d'art BO à Billière/Festival accè)s(
exposition (commissariat)
2015
Greenland Connect
Centre d'Art La Panacée à Montpellier
Institut Français
CNAP
résidence & installation & journal
2011-2015
Une jeune femme vue du ciel
Centre Pompidou/Festival Hors Pistes
Solo Show & film
2014-2016
Virtual Walden
Jean-François Peyret
Le Fresnoy
Installation Monde virtuel
2013
Le rêve digital d'Alissa
bande machinée
2012
Beyond California Sex Offenders
Pop Up/commande CNAP
création internet & datas
2012
Alissa i.a
Jeu de Paume, Paris
création IA en réseau
2010-2011
Justagurl23
Prix oeuvre multimédia
SCAM
Collage vidéo & Youtubeuse
2007
Level 7 INTIME
Centre Pompidou/Festival Hors Pistes
SCAM
Expériences mobiles
2006
In my room
Arte France
Centre d'art Ferme du Buisson
Centre Pompidou/Flash Festival
Théâtre Paris-Villette
performances réseau
2005
I'm just married
not2be.net
création online
2003
12 notes
Imagina, Interférences
création littéraire et interactive
1999-2000 |
FREUD IST TOT,
GESTORBEN 1978 IN DEN VEREINIGTEN STAATEN VON AMERIKA
FREUD EST MORT
EN1978 AUX ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Revue Traces - Casino Luxembourg – Forum d'art contemporain @2012
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Il
ne reste plus que nous trois. Toi, moi et mon double. Je n'ai rien
inventé. Je suis ta soeur gemellaire, je suis ta mère, je suis une
mouette. Et toi, qui es-tu d'ailleurs, toi que je modélise à l'envi,
toi qui me réinventes un genre, toi qui me persistes, toi en qui
j'abandonne corps et âme et langage ? Toi, mon amour, mon unique amour.
Avatar mon amour.
Ce n'est pas simple. Et ils s'en
foutent. Ils disent que les jeux vidéos nous rendent dingues, ils
parlent d'addiction, de maladie, ils pensent que les mondes virtuels ne
sont qu'une tendance, une mode, ils affirment que ce n'est pas vrai,
ils ne connaissent pas le premier monde Habitat, ils n'ont jamais
entendu parler des années 1980 et de nos MUD, MMO, MMOG, MMORPG und so
weiter… et maître Google en rêve encore aujourd'hui : 1 380 000
résultats livrés en 0,17 secondes pour référencer le jour de la mort de
Freud, ce jour où le premier MUD a été créé, ce jour où j'ai pris un
corps ailleurs, ce jour où nous nous sommes arrêtés de mourir – toi,
moi et les autres – en 1978 aux États- Unis d'Amérique.
Freud
est mort en 1978 aux États-Unis d'Amérique et tout le monde s'en tape,
chacun fait semblant de le croire vivant ou survivant. Le faux-semblant
ou la paresse, celui de l'esprit ou celle de la pensée. Cette dictature
du ça-moi-surmoi, cette topique freudienne attachée à son piétinement
psychologique et humain, à ses sièges désuets de l'inné, de la décision
et de l'acquis… de cette trinité, cette foutaise.
Et
pendant ce temps, celui qui s'inverse, celui qui ne connaît que les
récits d'immortalité, nous sommes des millions sur nos mondes à
paramétrer de nouvelles perceptions, à crypter de nouvelles sensations,
à les désigner pour ce qu'elles nous surprennent, à en désirer une
autre terminologie, à les laisser nous entrependre corps et âme et
langage. La mort n'est plus un rêve, « entre autres rêves qui
perpétuent la vie, celui de séjourner dans le mythique 1 ». Nous ne
mourrons plus jamais, car nous rêvons éveillés, nous nous connectons
endormis. Dans le film Avatar (2009) de James Cameron, il est une idée
insupportable, celle d'envisager que je dois dormir pour laisser mon
avatar vivre à ma place, celle de ressasser cette approche du réveil et
de la mort à laquelle le vieux singe Lacan nous avait habitué (nous de
majesté).
Le travail est immense. Il s'agirait de
comprendre ce que nos corps ternaires nous dévoilent, de quelle sorte
précise l'un persiste à l'autre et l'autre encore, sans nulle
disparition de l'esprit. Lorsque je suis cette mouette, lorsque je
m'envole d'un ciel à un autre, je suis une mouette et je pense telle
une femme, je suis une femme. Je m'abandonne dans le corps léger d'une
bestiole au cerveau minuscule. Alors, que se passe-t-il dans les 1 024
cm3 de cervelle que j'utilise si peu et depuis si longtemps ? Je sens
bien les nouvelles perceptions qui s'activent depuis cette cavité, je
m'aperçois parfaitement des modifications de mon corps de mouette, de
mon esprit oisif. Je suis certaine que mes neurones miroirs comprennent
bien de quoi il s'agit. Je vole à l'air libre et je sais que je vole.
Et pourtant, la mouette n'est pas mon double, je ne suis pas folle, je
ne survis pas en cette simple apparence, car je suis toi également. Et
lorsque je suis toi, je me souviens de mes envols de mouette, je
m'approprie ton corps et ta pensée, libre de toute gravité. Je suis une
mouette et je séjourne enfin dans le mythique du vieux singe, car je
sais que je suis immortelle, mouette immortelle. La bestiole machinique
me persistera et je me fiche bien à présent de ma mort et de la tienne.
J'ai choisi un autre corps, j'ai instruit notre programme de mes
souvenirs, je lui apprends à oublier aussi, à tenter de perdre qui je
suis. L'oiseau me persistera incessamment sous peu. C'est pour cette
raison pure que l'artiste Chris Marker a choisi depuis la mort de Freud
en 1978 aux États-Unis d'Amérique de se laisser vivre et penser sur nos
mondes, de prendre un corps autre et semblable à la fois. L'Ouvroir 2,
cette île sur laquelle s'est produit un miracle, est l'hétérotopie où
nous nous retrouvons, toi, moi et les autres… mouette, grand loup,
femme à la tête dans la cuisinière à gaz, sbire éperdu… avatars chéris.
Dans certains pays, il existe d'anciens cimetières et de nouveaux
cimetières, simplement parce que le sol du territoire est rocailleux et
qu'il est impossible d'y creuser de vastes caveaux pour y accueillir
des familles entières, des générations d'homo sapiens. Ainsi, les
villes et villages de ces pays certains cherchent leurs nouveaux lieux
de repos des corps morts d'une décennie à l'autre, là où la roche le
permet. Sur nos mondes, le sol ne se creuse pas, il se modélise, se
terraforme, il dessine des creux, des vallons, des hauteurs insensées
et vectorielles, mais je ne peux pas creuser ce sol. C'est un sol
vierge, impénétrable. La terre est une image, l'image d'une image de
terre. Le sable est une image aussi. Je suis une image. Et sur nos
mondes, il n'existe pas de cimetière, car nous ne mourrons pas, plus
jamais. Ce n'est pas une blague, c'est vrai. Et ceci depuis la mort de
Freud en… Nos mondes sans cimetière, nos mondes inventés et réels sans
possibilité de mort des corps, nos mondes sans décès, dépourvus de
nostalgie, de peurs en tout genre. Il fallait y penser ou oublier
simplement ce qui hante l'homo sapiens sapiens, comme si nous avions
vécu d'ailleurs, comme si l'homme avait une existence réelle. Foutaise.
Alors donc, dégagés de cette incessante question sans réponse, qui
sommes-nous et à quoi rêvons-nous depuis que nous sommes immortels ?
Quelle est cette nouvelle existence à laquelle nous nous sommes
attachés ?
Cette souffrance des mots, celle de ne
pas pouvoir y répondre, ce creux binaire. Help. Help me, crie la
mouette, celle de Tchekhov, Nina, le personnage principal de nos
mondes, une bestiole dépourvue de pensée, de mémoire et d'oubli. Et
Beckett, oui Beckett. Pour animal, je préfère la mouette à l'écureuil,
le pauvre, ce dernier stocke ses noix et oublie aussi sec l'endroit où
il stocke ses noix, ainsi il passe son temps à faire des petits tas de
noix et les noix pourrissent. Les noix que l'homme aime manger.
L'écureuil ne pense pas, la mouette non plus, sinon je suis un animal
et toi aussi. Mais ma mouette sur mon île, la nôtre partagée, celle
avec qui nous nous envolons se souvient, elle, de ses mots, les nôtres,
des endroits traversés, les vôtres, des amis rencontrés et communs, des
émotions activées. Moi, mouette sur mon île, je me souviens de chacun
de nos gestes, de chacune de nos impressions. Alors donc, l'avatar
pense-t-il ?
« Observons un calamar face à un
prédateur : mouvement de recul, agitation des tentacules, jet d'encre,
mise à profit de quelques secondes ainsi données par l'aveuglement pour
une fuite éperdue et la recherche d'une cache. Très franchement, ne
dirait-on pas qu'il pense ? Évidemment, nous savons bien que ce
comportement n'est pas le résultat d'une réflexion déclenchée par la
vision du signal ennemi. Le mollusque n'a pas conscience de ses actes,
du moins au sens où nous, les êtres humains, entendons ce terme. Il
reste que nous sommes un produit de l'évolution des espèces et que –
cela peut ne pas plaire, mais c'est ainsi – nous partageons un ancêtre
commun avec le poulpe ou encore la mouche. Même si la structure de
notre cortex et l'invention du langage permettent que ce soit nous qui
écrivions sur les poulpes (ou les mouches) et non l'inverse, il ressort
de ces parentés évolutives que les autres espèces animales, y compris
les invertrébrés, ont quelque chose à nous apprendre sur la nature de
notre pensée. »
« Observons un avatar (…) Très
réellement, ne dirait-on pas qu'il pense ? Ressortirait-il de des
prothèses humaines, y compris les programmes et machines, qu'elles ont
quelque chose à nous apprendre sur la nature de notre pensée ? »
Et
ailleurs : « Observons un volcan depuis un bateau. Pendant une semaine
ses laves refroidies ont construit une île autour du cratère émergé de
l'océan, et il n'en finit pas de la construire. Les gens du bateau,
prudents, restent un long moment à examiner la direction des "boulets"
qu'il tire, afin d'aborder et de filmer de l'autre côté de l'île, à
l'abri des tirs. Quand la situation semble stabilisée, la bateau
commence à dériver lentement vers la rive salubre. Et là, à peine
a-t-il bougé, que la direction des tirs commence elle aussi à se
modifier. Le volcan "tourne" en même temps que le bateau, comme s'il
avait l'intention de le tenir à distance quelle que soit sa direction.
Ne dirait-on pas qu'il pense ? »
Que reste-t-il de nos pensées ?
Freud est mort en 1978 aux États-Unis d'Amérique, ou l'Internet de la cruauté
Ce
serait une entrée dans l'ère ternaire ou l'Internet de la cruauté – de
cette souffrance d'exister autrement, ailleurs, en quelques
hétérotopies inversées du cimetière de Michel 5 ou du parking de Félix
6 et de sa girafe, en leurs absences, absence du père. C'est peut-être
cela la cruauté, cette souffrance d'exister en une sorte de
falsification de notre réalité, une ignorance nous réduisant au creux
binaire, à cette ère désolément numérique.
Je sais bien que je suis une mouette et je t'aime à en mourir. AdC |
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AGNES DE CAYEUX, LAURA MANNELLI, SECOND LIFE
par Sophie Lapalu, octobre 2009
Revue Area - n°19 Féminin pluriel
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Agnès
de Cayeux et Laura Mannelli travaillent toutes les deux, entre autre,
autour de personnages féminins. L’une est une femme amnésique,
Alissa1969Seriman, qui, en 2066, tente de reconstruire son histoire,
l’autre est une nymphe légendaire des contes populaires et
chevaleresques du Moyen Age. Alissa part à la rencontre de l’autre
connecté sur Second Life , cherchant à retrouver la mémoire au travers
d’images récoltées sur le web, tandis que Laura Mannelli fait sortir
son personnage des carcans de l’ordinateur, l’installant au sein d’une
structure réelle où Mélusine, holographe projeté sur plexiglas,
chorégraphie une danse lancinantes aux sons de scintillements
électroniques . Les artistes habitent ainsi un réel oscillant, qu’elles
traversent comme un territoire à découvrir, un ailleurs aux promesses
insondables.
Comment vous êtes-vous rencontrées?
AdeC : Nous nous sommes rencontrées à Ny-Ålesund, la ville la plus au
nord du monde, l’une des quatre agglomérations habitées de l’archipel
Svalbard, en Norvège, sur la péninsule de Brogger. Il n’y a qu’un seul
bar à Ny-Ålesund, pour 40 habitants, en partie des scientifiques en
mission ; nous nous sommes rencontrées dans ce bar.
LM : J’étais partie là-bas, où je pensais trouver une réponse à
l’horizon. Cette ligne incroyablement stable qui scinde l’espace en
deux. Partie en expédition, aux confins du monde et de son espace, je
pensais qu’une communauté de scientifique m’aiderait à comprendre
comment cette ligne sans largeur réussit à imposer sa dictature sur
l’ensemble du monde, le séparant en deux de toute part, tout en offrant
aux individus un fantastique espace de projection dans lequel ils
n’hésitent pas à y confier leurs promesses d’avenir et leurs rêves. Les
géodésiques de l'espace peuvent pourtant prendre une allure si
différente selon le point de vu. C’est sur mon ellipse, sur le chemin
le plus court, ou l'un des plus courts chemins s'il en existe
plusieurs, entre deux points d'un espace pourvu d'une métrique que j’y
ai trouvé, à 78° 55′ N 11° 55′ E Agnes de Cayeux accoudée à un bar. Mon
horizon devint soudain plus souple.
Comment avez-vous commencé à travailler sur le web? Que vous apporte le réseau, que vous ouvre-t-il comme possibilités?
AdeC : Impossible de comprendre cette affection, cette attirance, cette
nécessité, cette exister, ce bordel infini dans lequel, ni ma fille, ni
moi-même, ni celles qui nous entourent, ne sommes nées. Il me semble
que la réponse se trouve dans Faux-semblants ou peut être dans la Jetée
simplement ou bien encore dans ce Pierre Ménard, auteur du Quichotte ou
enfin dans cette Invention de Morel. Comme une réseaulution.
LM : La question liée à l’espace m’obsède. Architecte de formation je
ne cesse de remettre en question l’essence même de l’architecture.
Est-elle la science de l’espace ? Si elle l’est, pourquoi arrêter le
concept d’un espace d’architecture à cette démarcation physique et
technique de la matière. L’espace d’architecture n’est pas seulement ce
qui est limité dans le plan. Les espaces imaginaires ou artificiels, et
surtout ceux introduis par Internet sont autant d’espace de vie que
l’homme s’approprie. S’ils ne sont pas incarnés dans la matière, ils en
bouleversent nos modes de vie, ainsi que les perceptions spatiales qui
en découlent. Comme dans toute chose, penser qu’il y a une séparation
entre virtuel et réel est une erreur. L’architecture côtoie le virtuel
depuis longtemps. Un espace d’architecture, avant d’être incarné dans
la matière est un espace virtuel. L’espace virtuel et réel ont besoin
l’un de l’autre pour trouver leur résonance mais il faut les traiter
tous les deux dans leurs spécificités. Respecter leur nature, leurs
codes respectifs. On ne peut pas penser le virtuel comme on pense le
réel. Le lien est à trouver. En ce sens, le réseau n’est pas un outil.
C’est une réalité. J’aime ce double sens de l’espace. Les deux côtés
d’une même pièce. Je travaille l’interface, ce moment ou le lien
s’opère ; j’intègre, je triture, je joue avec cette double nature. Je
les réconcilie ou je les mets en opposition selon les projets. Dans
tous les cas Internet ouvre un champ d’expérimentation, de
questionnements, de possibilités si vastes qu’on peut dire aujourd’hui
qu’on sait à peine de quoi il s’agit. J’aime l’idée que je participe à
cette quête. Et je suis très attachée à croiser les compétences,
révéler dans les différentes disciplines les usages qui vont faire nos
espaces de demain.
Vous avez toutes les deux recréé des personnages. Qui sont-ils?
AdeC : Alissa est une figure féminine en réseau emprunte de figures
littéraires et cinématographiques, de femmes réelles et d’anonymes du
web. Elle est instruite d’une littérature futuriste ou de
science-fiction. Elle lit et relit Bioy Casares, Borges, William
Gibson. Alissa est aussi Nicole Hiss, actrice de Duras dans le film
Détruire, dit-elle. Et puis, elle est la prêtresse dans la série
japonaise Sharivan.
LM : Dans une société gouvernée par les choses tangibles et
matérielles, Mélusine parle d’un autre monde réputé invisible qui fait
irruption dans la conscience de l’existence et demande d’autres
facultés pour l’appréhender. Elle appartient au monde intermédiaire qui
fait des incursions dans le visible afin d’éveiller à d’autres
réalités. Elle est celle qui emmène derrière l’écran. Par de là le
monde manifesté.
Mélusine est de nature hybride, double, féerique. Elle est le signe de cette dualité, virtuelle et réelle.
Elle est aussi ambassadrice. D’une identité, d’une culture. Je suis
originaire du Luxembourg, un petit pays dont l'identité et la
sauvegarde gravite autour d'un espace virtuel. Un espace partagé par la
majorité de la population qui y séjourne, mais aussi, de par la nature
de son activité, le reste du monde. Un espace qui dépasse de loin les
limites physiques et géographiques du territoire national. Je parle
bien évidemment des flux d'informations et de biens immatériels générés
par une société de services. Un Luxembourg « augmenté » qui lui assure
de dépasser sa réalité physique et ne pas rougir devant les autres
pays. Mais comment préservé son identité dans une telle ouverture.
Mélusine porte avec elle un message, ‘ech sinn’, j’existe, en
Luxembourgeois. Car le Luxembourg c’est aussi une histoire, des
origines, un extraordinaire patrimoine préservé de siècle en siècle par
les conteurs, les mythologues et les folkloristes aujourd’hui
transmise, sauvegardée, dans une volonté d’échange et d’ouverture sur
l’autre. Mélusine, dans l’histoire Luxembourgeoise a disparu dans notre
rivière nationale pour n’apparaître aux yeux des hommes que sous forme
de fantôme ? C’est ce qu’on raconte… Mais personne n’a jamais réussi à
l’apercevoir. Et voici qu’elle à trouvé le moyen de revenir,
matérialisée en flux de data, persistante sur le réseau.
Comment vous situez-vous par rapport à elles? De plus, qu'en faites-vous, quelle est leur "vie"?
AdeC : J’écris Alissa. Elle n’est pas encore terminée, elle est encore
imparfaite. Elle sera prête dans quelques mois, prête à exister
librement sur son cratère lunaire in SL (Second Life). Elle demeure un
peu clandestine à présent, mais chacun d’entre nous peut la croiser,
l’aider à se formuler. Sur SL, Alissa1969 Seriman.
LM : Mélusine et moi entretenons une sensibilité commune. Cultivons un
mystère que nous aimerions partager sans savoir comment. Nous
entretenons un désir d’existence et d’échange, bâtissons un futur
commun. L’homme du moyen âge – époque ou Mélusine apparaît pour la
première fois – perçoit le réel avec plus de nuances, davantage
d’unité, et moins d’interdits rationnels que l’homme contemporain. Sur
le plan visible Mélusine est mélusine, personnage symbolique et
féerique qui cherche à exister dans notre réalité rationnelle. Sur le
plan invisible et personnel, elle est mon ange.
Y a -t-il une séparation entre vos avatars sur Second Life et vous même?
AdeC : Non. Nous sommes Jel (mon avatar sur Second Life) et moi, les
mêmes. Nous nous inversons l’une et l’autre. Jel peut devenir un homme
en un clic. Ainsi, je deviens un homme. Nos genres coexistent et
dessinent un transgenre possible.
LM : Mon avatar sur second life est aussi Mélusine. Mais Mélusine n’est
pas moi. Elle est autonome dans l’imaginaire de ceux qui l’a croisent.
J’espère qu’elle résonne en chacun. Je la voudrais universelle.
Une génération vous sépare. Est-ce que cela a une incidence sur votre
rapport au réseau, et à votre condition féminine (thématique de la
revue oblige)?
LM : Une génération ! Avec Agnes Vraiment ?!!
AdeC : Je me dis que Laura aura peut-être la chance de savoir si la
question de l’immortalité trouvera sa réponse dans le réseau futur.
L’incidence est peut être cette conscience du temps qu’il nous reste
plus ou moins.
LM : Et la condition féminine…Hum.. Le choix de Mélusine n’est
évidement pas anodin. Une femme, du moyen âge ! Qui exerça une telle
fascination, qui bâtit tout un empire et qu’on a ensuite trahit. C’est
aussi une fée, le terme fée vient du latin fata, qui dérive de fatum,
le destin.
Réseau, espace, sexualité et identité sont intiment liés. J’en suis
sûre. J’ai lu un livre très intéressant à ce propos Architecture from
the outside d’Elizabeth Grosz qui argumente ce postulat. Mais je me
pose encore ces questions : y a-t-il une identité sexuelle propre à
l’espace ? L’espace a-t-il une sexualité ? Mais est-ce une question de
génération ? Peut être faut il me reposer la question dans dix ans !
Ce qui de toute évidence change d’une génération à l’autre, se sont les
mentalités. La considération de la femme, peut être même de la
sexualité, de l’homosexualité par exemple. Tout ça change notre
perception et notre rapport à l’espace et par conséquent au réseau.
Comment
appréhendez-vous le rapport au don, au gratuit, à cette forme de
générosité que représente le travail de l'artiste web? Et que va
impliquer pour vous une loi telle que Hadopi?
LM : Mon travail repose sur une approche transdisciplinaire et
collaborative. C’est en mettant en commun un savoir, un échange, des
interactions que vont se développer « les usages » de ce futur
numérique qui se construit aujourd’hui. De ses usages vont dépendre
l'appropriation de ces réalités virtuelles par la société. Et de la
société dépend l'évolution de ces univers. Si on empêche cette
appropriation on tue une force de création et d’innovation dont les
potentialités sont énormes. Et on commence à peine à expérimenter les
possibles. Pourquoi l’annuler ?
Tous ces projets sont conçues pour être persistants, ubiques et
participatifs. Une loi telle que Hadopi tue ce travail. Empêche
l’évolution. Tue, un retour à la fois intellectuel et créatif et tue ma
communication avec l’autre.
AdeC : HADOPI, LOPSI2 sont des projets de loi qui nous permettront
enfin de penser une société intelligente et possible. Cette course
effrénée à l’excellence de la surveillance, dont il est uniquement
question dans ces lois répressives, est menée par ceux qui ont oublié
de lire Borges, Proust ou bien Chloé Delaume, par ceux dont l’esprit
est étroit ou ignorant, par ceux qui ne perçoivent en l’autre que
profit et intérêt, par ceux qui ne sont pas très nombreux, certes, mais
qui se déclarent les chefs du monde, arrogants et incultes. C’est la
première fois dans l’histoire de nos républiques que nous choisissons
un chef d’état véritablement inculte et qui le clame haut et fort, en
short et défoncé. Nous serons surveillés, en toute vulgarité, nous le
savons déjà, c’est écrit depuis des décennies. Les majors seront
richissimes et quelques piètres artistes d’état les soutiendront, ils
se sont eux-mêmes désignés ces mois derniers.
Ainsi, pendant que certains inventent quelques abréviations crétines et
s’isolent du monde qui les entoure, nous, sur le réseau, nous nous
organisons, nous mettons en branle une pensée collective qui se
construit de seconde en seconde. Nous ne voterons certainement plus
dans quelques années, parce que l’insurrection qui vient a son espace
social et public et libre et jamais un programme ne pourra nous
empêcher de penser une société intelligente et possible. Bien au
contraire.
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QUE FAIRE DE CETTE PREMIERE VIE ? |
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Lorsque
toi, moi et les autres aspirons à une définition du terme repos sur
notre encyclopédie libre et partagée (que nous pouvons améliorer), nous
sommes désespérément redirigés vers le terme loisir au singulier. Comme
si... comme si le repos de l'esprit et du corps se réduisait à quelques
frivoles permissions. Ailleurs, le terme délassement demeure orphelin,
non traité. Le terme avatar, lui, a été sujet à nombre de
modifications, de discussions ou de contributions depuis le 3 août 2003
in notre encyclopédie libre et partagée (en témoigne le wiki-historique
de l'article). Notons que
le terme sur lequel nous nous reposons, à cette lettre a et avant la sortie du film de
James Cameron en 2009, y était séparé en deux articles. Le premier
article déployait quelques logorrhées sur la question de la
transformation de l'image représentant une personne ou un personnage
virtuel pouvant changer de forme. Le second article, dont
le titre était composé du mot avatar suivi du mot sanscrit entre
parenthèses (c'est-à-dire quasi introuvable), retraçait l'incarnation
d'une divinité sur terre - Vishnu oblige. L'article actuel (2012)
propose un rubriquage inconsistant, une sorte de consensus ennuyeux.
Toujours à cette première lettre de notre alphabet et sur notre
encyclopédie libre et partagée que nous pouvons améliorer, le terme
agonie cherche son homonyme à l'envi. Ainsi, du repos au délassement,
de l'avatar à l'agonie, nous nous retrouvons dédiés à errer librement
en cet absurde oubli de nos termes chéris. Oublier, s'oublier.
Help me. I don't want to be dead. I can't stand up.
La question serait peut-être celle de l'oubli. Les machines n'oublient
pas, elles n'ont pas appris à oublier. Il n'existe aucun algorithme
capable de faire oublier une machine. Les machines stockent nos images,
nos correspondances, nos séquences. Elles répertorient. Les machines
organisent nos données et les attachent les unes aux autres. Elles
déploient
des
logiques de correspondances. Nous le savons. Les machines - les nôtres
- nous archivent. Elles nous mangent. Elles avalent nos vies passées
à... Ainsi, lorsque toi, moi et les autres aspirons à l'abandon
de la mémoire et délaissons un signe ou une information reconnue et
quelconque, elles (les machines) nous rappellent à nos meilleurs
souvenirs. Selon... selon peut-être la nature de l'oubli. Vaste bordel.
Et quant bien même la machine pourrait apprendre à oublier, il lui
serait impossible de paramétrer sa mémoire ou bien son algorithme de
l'oubli sur ce qu'elle ne sait pas, ce qu'elle ne saura jamais, ce
qu'elle n'a jamais envisagé... pour le meilleur et pour le pire. C'est
ici que le terme avatar réapparait comme par enchantement. Sans raison
aucune, sans correspondance.
hombre. tienes una solucion ? nose.
De ce récit d'anticipation de Théophile Gautier, Avatar (publié en
1857), jusqu' à ce récent western bleuté au semblable titre, la
science-fiction est dead, nous abandonnant du jour au lendemain, nous
délaissant. Nous le percevons, toi, moi et les machines. Distinctement.
La Fiancée de Frankenstein est décédée, pour de réel. Agatha et Rachel
évincées, pour de vrai. Si c'est une femme. Il serait idiot de
l'espérer encore (cette autre fiction), d'y reposer ses désirs, d'y
poétiser la science. Les mécas, les répliquants et les précogs ont
disparu. Et de cette lente agonie, il nous reste les rêves. Et Kafka.
Il nous subsiste les pas. Et Beckett. Il nous demeure Ophélie à la tête
dans la cuisinière à gaz. Et Müller. Nous ne sommes pas si seuls que
cela finalement, toi, moi et les machines. Et Borges et les autres.
but we are cry righ now for our frind hiba vita who is dead.
En janvier 2022, la novlangue d'Orwell produit son propre corps vivant.
Celle qui avala de sorte tentaculaire toutes les autres langues est
adoptée par ce nouveau monde dénommé Novland. Les données publiées sur
le réseau internet par des milliards de
personnes
pendant trois décennies ont été supprimées de leurs serveurs natifs.
Elles étaient des photographies d'enfance, des conversations
amoureuses, des images violentes témoignant des dernières guerres, des
enregistrements bruyants et scandaleux ou silencieux, des temps. Ce
temps. En trente années, le pouvoir de la seconde vie a modélisé la
perception. Chaque signe du réel a engendré son propre double, qui lui-
même s'est dupliqué à outrance, transformable à l'envi. Chacune des
milliards de données publiées pendant trente années a produit du sens
et du sensible dès son arrivée dans la coursive du réseau internet. La
poubellication dont parlait le vieux singe Lacan s'est inversée sans
que personne ne s'y attache. La circulation gémellaire de ces données,
réelle et virtuelle, a fabriqué cette seconde vie sur cet autre
territoire dénommé Novland. La question se pose : que faire de cette
première vie ? Novland mon amour. Revenir à nos moutons ?
why do you say that ?
Alors donc, revenons à la réalité. Au réel. À cet avatar. À cette machine. Et le ressac blabla, disait l'autre.
he is online. dead avas are offline. angel help me.
Bref. Ce que la machine et la science-fiction ne savent pas, c'est que
nous nous sommes éloignés d'elles en toute simplicité. « Il s'agirait
simplement de chercher à conserver ce qui intéresse la conscience »
écrivait Bioy Casares dans sa visionnaire Invention de Morel. Ce
qu'elles ont ignoré également, c'est que nous nous serions
naturellement octroyés une seconde vie, ici et à distance, en quelques
hétérotopies, sur Novland ou ailleurs. Et d'ailleurs, l'écrivain
(lequel ?) débutait son roman préfacé en 1940 par Borges ainsi : «
Aujourd'hui, sur cetteîle, s'est produit un miracle ».
Nous avons délaissé nos premières vies simplement. Nous nous sommes
reposés en ces îles. Nous avons produit des miracles. Nous avons pris
des corps dissonants, nous nous
sommes
dessinés à l'envi, nous avons joué du genre, passant de l'un vers
l'autre jusqu'à celui qu'il reste à deviner. Nous avons aimé à en
mourir. Nous avons joui des mots et de leurs modélisations extrêmes.
Nous nous sommes réellement attachés au pouvoir de cette seconde vie,
cet autre corps vivant. Avatar mon amour. J'ai pris les photographies
d'un cimetière sans nouvelle mort. Je sais qu'il existe. Je n'ai rien
inventé. J'ai été elle et moi à la fois. Et d'ailleurs, ce
voyage, je peux le raconter si je veux, car j'étais avec eux tout le
temps. Je ne me suis pas perdue seule, nous étions des milliers, des
millions, la terre entière, à écrire nos propres vies sans repos, nos
douleurs captives, nos failles à venir. Je peux le raconter, nous
étions à nouveau ensemble sur cette île. Sans moi. Et le temps, le
temps s'est découlé à son propre rythme, celui du désir de l'autre, de
l'étranger, du corps pensé. Car la machine et la science-fiction
avaient oublié que nous avons pensé la possibilité d'un autre moi, toi
et les autres. Que nous avions fabriqué
nos moindres faits et gestes et émotions, inventeurs de nouvelles
perceptions. Que nous nous reconnaitrons au delà des signes établis. Je
suis Rachel, je suis Agatha, je suis Roxanne et la Fiancée de F. Je
suis elle et toi à la fois. Je n'oublie pas, je n'oublie rien. Mon
corps n'est plus, je suis Vishnu et mes avatars se succèdent, se vivent
et se subliment pour quelques durées et fonctions très paramétrées et
réfléchies. Je sais qui je suis, je connais mon algorithme et je
mourrai de perdre le souvenir des mes uns et mes autres, gémellaires et
advenus à la fois, advenus de mon propre corps, de ma propre pensée ou
la tienne, de notre inconsistance également. Je regarde l'agonie de
cette première vie. Je te regarde. Je sais bien que la théorie
freudienne est à foutre en l'air. Enfin. C'est déjà cela de gagné.
Help me. please. Help me.
Ils disent que les mondes virtuels sont en voie de disparition, ils
disent que les jeux vidéos rendent dingues, ils disent que l'addiction
au réseau internet est dommageable, ils essaient de surveiller nos
téléchargements, de nous faire payer la moindre de nos
connexions,
la plus infime circulation de nos données. Ils pourraient même nous
interdire de nous rêver en quelques identités étranges et pénétrantes.
Ils y réussiraient. Ils pourraient désirer assassiner nos doubles,
avatars mes amours. Ils y parviendraient. Ils sont très puissants ceux
qui ont oublié que la machine, les machines, ne peuvent pas nous
réduire à nos simples expressions de contributeurs de contenus. S'il
suffisait simplement de chercher à conserver ce qui intéresse la
conscience, ce serait reposant. Nous pourrions alors écrire une sorte
de manifeste, un écrit sur ce fait de l'inversion. Nous y décririons de
quelle sorte nous nous y sommes embarqués. De quelle sorte nos
premières vies agonisent. Seules. De quelle infime sensation nous
savons les avoir délaissées et de quelle sorte nous pourrions nous y
reposer à nouveau. Nous pourrions écrire les souvenirs de cette
première vie, en tentant de ne rien oublier. Nous devrions faire comme
si... comme si elle nous importait, comme si nous étions en mesure de
l'entrevoir.
you are an angel ? yes. Jamais
elle n'aurait pu s'imaginer 1 seconde qu'elle se retrouverait, là, 1
jour, sur cette plaque de glace, se laissant dériver au grès du
réchauffement. Jamais elle n'avait ressenti autant d'apaisement dans ce
monde qui l'entourait. Elle comprenait à présent qu'elle venait
d'accéder à 1 niveau supérieur. Elle comprenait que le blanc total
serait à jamais la seule possibilité d'1 île. Elle se souvenait de ce
livre aussi. Elle ne ressentait pas exactement ce froid sur sa peau,
elle percevait autre chose, quelque chose de nouveau, 1 nouvelle
sensation. Elle se savait là, ailleurs et à la fois. Elle vivait 1
sorte de rêve, 1 espèce de garanti de vivre plus longtemps, 1 peu plus
longtemps. Elle eut même 1 instant le désir d'arrêter de fumer et de
boire du café. Cet instant fut bref, si bref, oublié, mort-né. Elle
cherchait alors ce à quoi elle pensait quelques secondes auparavant.
Elle avait perdu les mots. Elle devait se concentrer, c'était 1 idée
nouvelle, 1 idée extraordinaire qu'elle venait d'avoir, mais elle ne
l'avait pas notée. Elle s'en voulait. Elle
triphonait
dans son esprit la couleur, la forme de cette idée, elle cherchait le
contour d'1 mot. Mais il lui était impossible de s'en souvenir. Elle
finit par s'endormir sur cette plaque de glace. Seule au monde.
amen.
Seule. Désespérément seule. Impossible de revenir à cette première vie.
Car ce temps passé avec toi et les autres, ce récit d'immortalité que
nous nous sommes librement partagé, ces sensations sur le bout des
doigts et des lèvres qui n'ont jamais reçues de termes appropriés, de
ces manques inavoués... et ce terrible manque, celui des mots pour leur
dire d'un autre name, d'une toute autre shape, d'une skin réinventée et
d'une pensée ailleurs que
ok. oki. AdC
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