On se demande toujours s'il n'existerait pas de la vie ou de l'intelligence sur d'autres planètes, quelque part dans les étoiles... mais on ne se pose jamais de questions sur l'infiniment petit... peut-être que ça peut venir de ce côté-là, d'un univers encore plus petit que les atomes, les électrons, les quarks... Félix Guattari, 1980
C’est une femme, une jeune patineuse vue du ciel. Elle se prénomme Janice, figure inspirée du scénario Un amour d’U.I.Q. écrit par Félix Guattari entre 1980 et 1987 - ce projet de film de science-fiction jamais réalisé. Janice trimballe avec elle cette histoire d’amour déjà écrite avec U.I.Q. (Univers Infra Quark), sorte d’entité ou identité bio-informatique infra-mince, se réincarnant sous les traits d’un jeune homme, d’un passant, d’un étranger. Janice, est-il écrit dans le liminaire de Guattari, et «pour s’être laissée embarquer dans le jeu incestueux du passage à la transcendance, sera elle-même éternellement condamnée à dériver hors de la communication et des affects humains». Voici ce qui nous intéresse, cette dérive vue du ciel, cette condamnation passée et pré-écrite par Guattari. La jeune femme, et pour notre scénario, déambule d’un endroit à un autre, sorte de cartographie d’une fiction à laquelle elle a échappé. La jeune patineuse est filmée par l'avion à la caméra, de près ou de loin. Janice avance, sur de simples patins à roulettes, c’est-à-dire qu’elle dessine les contours de cet amour en quelques figures et prouesses urbaines, elle cherche U.I.Q., patineuse embarquée dans une spirale élancée ou bien traçant une ligne droite sans fin. La jeune femme ou jeune patineuse, filmée par un drone, se déplace plus vite que les uns, détourne les tracés plus habilement que les autres. Janice échappe à cette géolocalisation généralisée et parcourt les lieux réels et fictionnels du scénario de Félix Guattari. De l’Imec, en région normande où les éléments du film sont sauvegardés dans cette sorte de Data Center vu du ciel, jusqu’aux lieux du scénario initial, le parking, l’usine, le laboratoire et ces routes nationales, Janice est suivie, captée, tracée par cet objet volant et connecté, ce drone, l’avion à la caméra. Et d’ailleurs la première séquence du film non réalisé de Guattari se déroule dans un petit avion, là où le pilote surveille la fiction à venir. Ce point de vue, cette posture vue du drone est la représentation subjective des personnages de l'histoire, Axel, jeune biologiste, U.I.Q. ou ce qu’il en reste aujourd’hui. Lui, l’avion à la caméra, n’est jamais sorti réellement de ce désir de fiction, il en réactive les moindres motifs.
Notre scénario est construit d’interférences entre certains dialogues choisis du film non réalisé et certains passages des écrits de Félix Guattari sur ce projet de film. Ces dialogues du film sont captés là où Janice patine, du point de vue de l'avion à la caméra. La jeune femme cherche à saisir ces éléments de fiction d’une fréquence à une autre pour retrouver U.I.Q., pour reconstituer le récit passé. Ainsi, l’histoire se réécrit peu à peu, certes sous une forme non-linéaire, une sorte de zapping des ondes. Ce que l’intrigue ne sait pas, c’est que Janice est également condamnée à la technologie du drone. Il existera une dramaturgie «technè». Le drone, l’avion à la caméra, cette présence subjective, ne dispose que de quelques minutes d’autonomie, 15 minutes maximum par captation, et puis, l’avion tombe du ciel sans se faire mal, lorsque la patineuse, elle, dérive sur cette route fictionnelle, attachée à ses prothèses de caoutchouc et de métal.
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