Retrouver ces images, en Terre Arctique.
Celles d’un livre.
1948.
Il est écrit ce mot en légende des images : Eqip.
Je ne sais pas ce que ce mot signifie.
En baie de Disko.
Eqip Sermia.
(…)
Jamais elle n’aurait pu s’imaginer 1 seconde qu’elle se retrouverait, là, 1 jour, sur cette plaque de glace, se laissant dériver au grès du réchauffement. Jamais elle n’avait ressenti autant d’apaisement dans ce monde qui l’entourait. Elle comprenait à présent qu’elle venait d’accéder à 1 niveau supérieur. Elle comprenait que le blanc total serait à jamais la seule possibilité d’1 île. Elle se souvenait de ce livre aussi. Elle ne ressentait pas exactement ce froid sur sa peau, elle percevait autre chose, quelque chose de nouveau, 1 nouvelle sensation. Elle se savait là, ailleurs et à la fois. Elle vivait 1 sorte de rêve, 1 espèce de garanti de vivre plus longtemps, 1 peu plus longtemps. Elle eut même 1 instant le désir d’arrêter de fumer et de boire du café. Cet instant fut bref, si bref, oublié, mort-né. Elle cherchait alors ce à quoi elle pensait quelques secondes auparavant. Elle avait perdu les mots. Elle devait se concentrer, c’était 1 idée nouvelle, 1 idée extraordinaire qu’elle venait d’avoir, mais elle ne l’avait pas notée. Elle s’en voulait. Elle triphonait dans son esprit la couleur, la forme de cette idée, elle cherchait le contour d’1 mot. Mais il lui était impossible de s’en souvenir. Elle finit par s’endormir sur cette plaque de glace.
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Le Data Center de Nuuk n’est pas là ou l’image prise du ciel le localise. Le centre de données de Nuuk est situé en plein centre ville, juste à coté de l’ancien cimetière. Je prends quelques photographies du bâtiment. J’y entrerai.
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Ils disent que les mondes virtuels sont en voie de disparition, ils disent que les jeux vidéos rendent dingues, ils disent que l’addiction au réseau internet est dommageable, ils essaient de surveiller nos téléchargements, de nous faire payer la moindre de nos connexions, la plus infime circulation de nos données. Ils pourraient même nous interdire de nous rêver en quelques identités étranges et pénétrantes. Ils y réussiraient. Ils pourraient désirer assassiner nos doubles, avatars mes amours. Ils y parviendraient. Ils sont très puissants ceux qui ont oublié que la machine, les machines, ne peuvent pas nous réduire à nos simples expressions de contributeurs de contenus. S’il suffisait simplement de chercher à conserver ce qui intéresse la conscience, ce serait reposant. Nous pourrions alors écrire une sorte de manifeste, un écrit sur ce fait de l’inversion. Nous y décririons de quelle sorte nous nous y sommes embarqués. De quelle sorte nos premières vies agonisent. Seules. De quelle infime sensation nous savons les avoir délaissées et de quelle sorte nous pourrions nous y reposer à nouveau. Nous pourrions écrire les souvenirs de cette première vie, en tentant de ne rien oublier. Nous devrions faire comme si… comme si elle nous importait, comme si nous étions en mesure de l’entrevoir.
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